IMPERIAL Les belles Elégantes par Frédéric Mardon ...
2 / 1957 - 1958

Publié le 15.12.2012

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Aujourd’hui en 2011, quand on parle d’automobiles de 1957, on se souvient avant tout de la production de la General Motors, et Chevrolet ayant fêté ses 100 ans, la première qui nous vient à l’esprit est la Bel Air. Surcotées malgré une production pléthorique, on en vient à oublier que 1957 est avant tout l’année Chrysler à Detroit. Les créations de Virgil Exner vont véritablement renvoyer tous les designers de Detroit à leurs planches à dessin, et GM reverra tous les plans en cours …

Chez Plymouth, le slogan sera “Suddenly it’s 1960”. Dodge annoncera fièrement son “Swept-wing design” pendant que chez Imperial, ce sera “the finest expression of the Forward Look”. En cela, par son design, l’Imperial de 1957 méritait bien ce qualificatif. Pour la première fois, Imperial avait tout pour réussir : un style propre, une gamme complète, bref, tout ce qu’il fallait pour contrer Cadillac, leader incontesté du luxe américain depuis la débandade chez Packard.

Depuis 1955, Imperial est donc une marque à part entière. Cependant, pour ses deux premières années d’existence, elle partageait beaucoup d’éléments communs avec les Chrysler. C’était une voiture de luxe, certes, mais l’intérieur était commun, la caisse aussi (à quelques décorations près), et il manquait un cabriolet. Et de plus, elle partageait sa calandre avec la Chrysler 300, ce qui n’arrangeait rien pour la différencier totalement de la gamme Chrysler.

 

1957 allait voir tout cela changer radicalement. Tout d’abord, le style et la carrosserie des Imperial se différencient désormais totalement de la gamme Chrysler. Sur les chaînes de montage à Jefferson Avenue, les deux marques partageaient certes les lieux, mais les processus de fabrication étaient séparés, comme la peinture et la carrosserie.

Extérieurement, la marque affiche une magnifique berline, qui comme le modèle 1955, avait reçu la plus grande attention de la part de Virgil Exner. On peut même dire que Imperial plus que toute autre est la création intégrale d’Exner. Le Forward Look, ou le regard vers l’avant (mais aussi le futur) est censé donner un air de mouvement aux voitures, même à l’arrêt. Et sur l’Imperial 1957, Exner signe là l’interprétation la plus pure. 

Les ailerons sont inclinés vers l’avant et légèrement vers l’extérieur, tout en démarrant pratiquement au milieu de la voiture. Il est impossible d’imaginer la voiture sans ses ailerons qui font partie intégrante de son design (contrairement à une Cadillac 1959 par exemple). De plus, alors que sur les autres voitures du groupe Chrysler, les ailerons sont “bouchés” par les feux arrière, ils sont un tout, et ne sont “interrompus” que par les feux “en collimateur” émergeant gracieusement sur leur partie haute. Joliment décorés de part et d’autre par des pointes et des demi-lunes chromés de grande élégance, ces lumières rouges n’étaient plus “posées” sur les ailes comme en 1955-56.

 

  • 1 : châssis en échelle sur tous les modèles sauf cabriolet, berline hardtop et limousine (châssis en X).
     
  • 2, 3, 5, 6, 7, 10 : la suspension avant à barre de torsions, conférant à la voiture une tenue de route grandement améliorée.
  • 4 : boîtier de direction assistée, de série sur toutes les Imperial (de série aussi : frein assistés et boite automatique TorqueFlite à 3 rapports).
  • 8, 9 / la suspension arrière reste classique, avec des ressorts à lames.
  • 10, 11 : freins assistées '' Total Contact'' ... pas très faciles à régler.
  • 11 : pneumatiques 9.50 x 14 de série, mais les flancs blancs restent une option sur le bas de gamme.

 

Ces ailerons élevés et bien intégrés au profil étaient encore mieux mis en valeur par la courbe plongeante du coffre qui partait de la lunette arrière pour se finir en une courbe unique sur le pare-chocs : d’ailleurs c’est pour cela que la roue de secours est couchée dans le coffre, et que l’espace pour les bagages n’a rien d’exceptionnel. Petite touche Exner, fan de certaines décorations inutiles, la tôle de coffre pouvait recevoir un embouti de fausse roue de secours au centre en aluminium poli. Bien lui en a pris, car plus des deux tiers des clients commandèrent cet accessoire !

Cette décoration à part, l’Imperial se dénote de la concurrence par sa relative sobriété en termes de chromes. On retrouve des poignées de portes intégrées à la carrosserie, une fine baguette qui fait tout le tour de caisse … et c’est tout ! Sur les berlines avec montants, les cadres de vitres sont en aluminium poli, et sur les Southampton (dénomination des hardtops), quelques lèvres chromées soulignent la découpe de la partie arrière typée “Landau”.

Par rapport à 1956, la voiture reçoit une surface abondante de vitrage, avec un pare-brise doublement panoramique (allant sur les côtés et aussi remontant assez haut, arrivant presque à plat permettant une jointure de belle facture avec le toit, contrairement aux autres modèles du groupe qui conservaient des “mini-casquettes”, cabriolets exceptés). De plus, la marque fut la première automobile US à incorporer des vitrages latéraux bombés. Avec la ligne du toit des berlines avec montants et 6 glaces latérales (une grande courbe partant du pare-brise pour mourir sur le coffre), ou encore sur les berlines Southampton avec leur “Landau”, la silhouette de l’Imperial était reconnaissable entre toutes, y compris au sein de la gamme Mopar. 

 

 

A l’avant, Imperial abandonne sa face avant divisée en deux parties. On retrouve désormais une large calandre horizontale, moderne, faite de rectangles aux arêtes de différentes épaisseurs. La forme du haut des ailes reprend des formes vues sur les automobiles des années 30 (une espèce de dos de cuillère), qui sont d’autant plus mises en valeur par la discrète jointure chromée avant en leurs centres, en pointe (voir illustration dans ces pages).

Plus en bas sur la face avant, on retrouve un pare-chocs qui là aussi reprend un thème des années 30, à savoir les doubles lames. Plutôt complexe (et coûteux), le pare-chocs se dédouble à partir de sa section centrale pleine (où se met la plaque d’immatriculation), avec des clignotants insérés entre les lames aux extrémités. Cependant, dû à sa conception et aux nombres de pièces, le pare-chocs avant est plutôt vulnérable aux chocs.

Et les phares ? Ah les phares … Pour 1957, deux versions étaient disponibles : les simples, ou les doubles, et cela à cause de la législation qui n’autorisait pas partout les doubles phares (ce qui n’a pas empêché Cadillac de sortir son Eldorado Brougham en doubles phares …).

A l’intérieur, Imperial reçoit un design spécifique, avec quelques particularités voulues par Exner. On retrouve donc deux énormes blocs ronds aux cerclages chromés (compteur et jauges), avec sur la gauche la commande de boutons-poussoirs de la TorqueFlite (de série) et sur la droite la tirette de chauffage. Sur la colonne de direction, on ne retrouve aucune commande, car même le clignotant est délocalisé, sous les boutons de la TorqueFlite. Une idée certes esthétique, mais peu pratique, surtout avec la commande de 1957, où c’est un bouton type interrupteur : en haut pour tourner à gauche, en bas pour aller à droite. On a eu mieux comme idée !

L’intérieur est richement décoré, avec des selleries multiples (tissu, vinyle ou cuir) dans divers coloris. A une époque où bon nombre d’automobiles affichent des panneaux de porte plats, ceux des Imperial sont tout en courbes, donnant un aspect cossu à l’ensemble, avec un accoudoir vide-poche très pratique sur certains modèles.

Une incongruité toutefois : pour avoir un tableau de bord “net”, le rétroviseur est placé au pied du pare-brise, plutôt qu’en haut, entre les pare-soleil. Autant dire que la vision arrière est plutôt médiocre.

La gamme, initialement prévue avec deux modèles, en a finalement trois (voire quatre, si l’on inclut la limousine). Le modèle de base, Imperial, n’a donc pas de nom.

 

Le milieu de gamme s’appelle désormais Crown, et Chrysler ressuscite un nom de son passé, LeBaron, pour le modèle le plus cher. Le traitement est assez différent en fonction des séries. Si la Crown est celle qui a le plus de carrosseries disponibles (berlines avec ou sans montants, coupé sans montant et cabriolet), la LeBaron se distingue par sa production en berlines uniquement, avec un traitement intérieur très sobre.

Le modèle de base reçoit une sellerie plus simple comparée à la Crown, et n’existe pas en cabriolet. Cela nous donnait en tout 21 couleurs extérieures et 121 combinaisons d’intérieurs/extérieurs. A part, on retrouvait la limousine fabriquée par Ghia en Italie, au prix astronomique (voir encadré), et au nom très perturbant : Crown Imperial (d’où un nom complet de Imperial Crown Imperial). A tous ces choix possibles, on pouvait néanmoins commander sa voiture sur mesure et demander une teinte ou une sellerie spéciale. 

 

 

Sous cette sublime robe on retrouvait une mécanique partagée avec les Chrysler : une toute nouvelle suspension Torsion Aire Ride (à barres de torsion), et le V8 hémisphérique porté désormais à 392 ci et 325 chevaux (partagé avec la Chrysler New Yorker).

Toutefois, l’Imperial a un châssis qui lui est propre, ainsi que quelques autres particularités pénibles pour le collectionneur d’aujourd’hui: réservoir d’essence spécifique, arbres de roues particuliers, tambours et jantes qui lui sont propres …

La voiture était rapide, tenait la route (enfin, pour une américaine de l’époque), et laissait la concurrence sur le bas-côté qui ne pouvait suivre (tant en style qu’en performance).

Avec 37.593 exemplaires produits, Imperial explose ses chiffres de vente. La recette a pris, et la clientèle semble souscrire aux choix d’Exner. Malheureusement, ce succès ne sera que de courte durée. Et 1958 annoncera l’échec à venir …

Pour l’année suivante, Imperial ne change presque pas ses voitures. Malgré la mode de l’époque qui voulait que tout change d’un millésime à l’autre, il faut reconnaître qu’il y avait peu de chose à retoucher sur le modèle 1957 qui comme on l’a dit, était en avance sur son temps (le “Suddenly it’s 1960” pouvait s’appliquer à toutes les Mopar en fait).

A l’extérieur, les quatre phares sont désormais de série, le pare-chocs avant est simplifié (mais d’un aspect plus massif), ainsi que celui de l’arrière, qui incorpore moins de pièces. Le coffre, dans sa version dépouillée (sans le Flitesweep decklid) reçoit désormais un long sabre chromé terminé par un écusson qui habille cette surface tôlée géante.

Pour le reste, la voiture est pratiquement identique, même à l’intérieur, ou le seul changement notable est le rapprochement du rétroviseur vers le conducteur. La commande des clignotants est revue (à bascule gauche droite), et les selleries sont toutes nouvelles, la LeBaron étant toujours traitée “soft” alors que la Crown reçoit un tissu à motifs plutôt tape-à-l’oeil.

 

Techniquement parlant, les modèles 1958 reçoivent quelques innovations, qui aujourd’hui sont devenues presque de série sur toutes les voitures. Tout d’abord, la fermeture centralisée (par solénoïdes), que conducteur ou passager avant pouvaient commander, et permettre ainsi la fermeture des quatre portes. Autre innovation qui aura du succès au fil des ans, le régulateur/limiteur de vitesse (dénommé Auto-Pilot). Sous le capot, le carburateur reste un Carter mais est désormais un AFB (Aluminum Four Barrel) à la place du WCFB, et le Hemi sort désormais 345 ch (bruts).

La production s’écroule de plus de la moitié. L’année voit en effet une récession dite “récession Eisenhower”, et tous les constructeurs boivent la tasse, même ceux qui avaient lancé de nouvelles voitures comme la Ford Motor Company avec son ultra-géantissime et massive Lincoln au style sans nul autre pareil ! “Longer lower wider*” disait-on à l’époque, mais là, ce fut “too much” ! 

L’année se termine avec la récession. 1959 en sera tout autrement, mais ça, on ne vous le racontera qu’au prochain épisode.

 

 

Article : par Frédéric Mardon paru dans le Mag d'AmeriSud,

Credit Photos : Imperial Club.

Frédéric Mardon


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