IMPERIAL Les belles Elégantes par Frédéric Mardon ...
1 / 1955 - 1956

Publié le 05.11.2012

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La première Imperial, ou plutôt Chrysler Imperial est née en 1926. Son nom de code était E80 (le 80 correspond à la vitesse théorique maximale, soit 80 mph), distincte de la G70 par un empattement supérieur (120 pouces, 127 ou même 133 sur certains modèles), une carrosserie luxueuse et un moteur 6 cylindres de 288ci (4720cm3) développant 92 chevaux. La production s’établit à 9.114 exemplaires (toutes carrosseries confondues), à confronter aux 72.000 Chrysler “normales”.

Malgré son nom, elle ne pouvait malheureusement pas se comparer aux ultra-prestigieuses Packard, Cadillac ou Lincoln : il lui manquait déjà 2 cylindres et son prix était relativement abordable. Malgré cela, c’était une excellente voiture avec un moteur parfait et des freins hydrauliques aux 4 roues. Avec un poids raisonnable (moins de 2 tonnes), la vitesse estimée de 80 mph (130 km/h) n’était pas un leurre.

Le modèle allait évoluer en puissance et cylindrée, gagnant au passage 2 cylindres. La série CG de 1931 est souvent considérée comme la plus belle Imperial jamais construite, ceci en carrosserie “usine”. Motorisée par un énorme 8 cylindres en ligne de 385ci (6300cm3), avec 9 paliers de vilebrequin, boîte 4 vitesses, jantes de 17 pouces, empattement de 145 pouces, elle apparut au plus mauvais moment la grande dépression de 1930 !

 

Les modèles 1933 Custom Imperial série CL seront les derniers “dinosaures” des années folles, vendus à une élite fortunée et insouciante mais qui n’avait pas assez de dollars pour s’acheter une V16 Cadillac ou une Duesenberg. Seules 151 CL furent vendues, les grands “couturiers” de l’automobile voyant leur influence s’amoindrir, tout comme leur carnet de commande … Le style classique de ces grandes autos allait vite passer à la trappe, Chrysler lançant les Airflow pour le millésime 1934. Les modèles Imperial n’y échapperont pas, alors que Cadillac ou Packard continueront à produire leur V12 et V16 pendant encore plusieurs années.
 

  Imperial 1955

Toute ressemblance avec une Chrysler 300 est   normale. 

En 1955, les échappements sortent par le pare-chocs. Ce principe sera abandonné pour 1956.

 

Photos par : www.Hymanltd.com

 

A la croisée des chemins

A l’aube des années 1950, nous avons donc un groupe Chrysler avec ses quatre marques d’avant-guerre : Plymouth, Dodge, DeSoto et Chrysler. De son côté, Packard est en train de commencer sa descente aux enfers sans s’en rendre compte, à force de baisser en gamme, sans vouloir créer une sous-marque qui différencierait les grandes et chics Packard de ces modèles vendus à vil prix. A l’opposé, Cadillac comprend qu’il ne faut pas “écorner” sa réputation en produisant des voitures pas assez chères. La marque avait supprimé les LaSalle avant la guerre, et la petite Cadillac Série 51 d’après-guerre ne durera pas longtemps. Ford, de son côté, conserve ses trois marques dont le rôle est clair au sein du groupe.

Les Chrysler Imperial de ce début de décennie sont sobres, assez discrètes, mais le style est assez vieillot. Et cela est vrai pour toutes les marques. D’ailleurs, les Plymouth font le bonheur des retraités. Des voitures fiables, simples, pas chères … et moches. L’arrivée de Virgil Exner aux commandes du style Chrysler allait changer tout ça. Ce sera même une révolution, dont l’aboutissement sera le Forward Look de 1955.

Pour Chrysler, 1955 est en effet une année à marquer d’une pierre blanche : voitures au style flambant neuf et bien plus moderne, nouvelles motorisations, nouvelle boîte automatique PowerFlite, et surtout, une nouvelle marque, Imperial, qui devient une division à part entière. Chrysler concrétisait ainsi son désir d’enfin pouvoir croiser le fer avec Cadillac. Cette dernière était toujours un cran au-dessus des modèles Chrysler, malgré le fait qu’ils soient quand même du haut de gamme américain. Malheureusement, et nous le verrons au fil des ans, l’échec était déjà annoncé.

 

 

Mais revenons d’abord aux Imperial 1955. Lancées le 17 novembre 1954, nous avons là des voitures toutes neuves, qui pour la première fois se distinguent de leurs cousines Chrysler. Exner a pris le soin de les différencier un minimum, même si la base est la même. L’habillage, l’empattement et l’intérieur lui sont spécifiques, même si le tableau de bord n’est que de la “récup’” pour le moment. D’ailleurs, les journalistes de l’époque avaient effectué les mêmes comparaisons, attendant Chrysler au tournant.

Ainsi, un commentateur de Road Test indiquait : l’Imperial est une voiture entièrement nouvelle à l’aspect particulier, qui reprend certains thèmes stylistiques montrés sur les show cars présentés par la marque ces dernières années. […] En réalité, il y a beaucoup de similitudes entre la Chrysler New Yorker et cette nouvelle automobile de prestige. Un peu plus loin, il indique carrément qu’il ne commentera pas le tableau de bord, puisque les commentaires faits pour la Chrysler New Yorker n’ont pas besoin d’être répétés ici.

C’est une grande automobile, élégante, au style cohérent. Son allure découle des trois fameux “parade phaetons”, premières oeuvres d’Exner : on retrouve les arches de roues, les flancs sculptés ainsi que de petites touches prises sur les “show cars” : feux arrière posés sur les ailes (vus sur les Chrysler K310 et d’Elégance) qui deviendront une tradition pendant plusieurs années (jusqu’en 1962 précisément). La voiture mesure 5,66 mètres, mais son dessin bien exécuté par Exner ne la rend pas si grande à l’oeil.
 

Les Parade Phaetons

Voici quelques photos de quelques Parade Phaetons. Vous remarquerez que ces   automobiles servirent assez longtemps, telle celle sur la photo en plein défilé avec confetis lancés des gratte-ciel.

Aujourd'hui on peut admirer ces automobiles dans les musées.

 

L’intérieur est dessiné avec soin, et les matières nobles. La moquette est épaisse, et les passagers arrière disposent de repose-pieds, petite attention bien pensée pour les riches personnes transportées à bord. Le chrome est présent, mais n’abonde pas trop à l’intérieur, et cela est remarqué à l’époque. Il est sûr que l’Imperial fait moins “jukebox” qu’une Cadillac concurrente, et n’affiche pas les mêmes rondeurs encore très marquées sur la Cad, dont le style évolue par petites touches sans rupture depuis 1948.

La gamme se compose de la berline et du coupé (qui s’appelle Newport) sur un empattement de 130 pouces, et de la limousine à empattement rallongé à 149,5 pouces (en deux versions : berline 8 places et limousine 8 places).

Sur la route, les Chrysler de l’époque ne disposent pas encore de barres de torsion (Packard, dans un baroud d’honneur technique, les avait introduites pour 1955 et était la seule marque à les proposer). Cependant, malgré sa taille, l’Imperial tient la route convenablement et est assez manoeuvrable (pour les standards de l’époque bien sûr).

Techniquement, c’est une Chrysler New Yorker (sauf les freins sur la limousine qui sont à disques). Néanmoins, ce n’est pas tout à fait le système que l’on connaît aujourd’hui. Sous le capot, on retrouve le Hemi V8 331ci de 250 chevaux. Le journaliste de Road Test indiquait ainsi que malgré la taille et le poids en hausse, l’Imperial se montre d’une agilité surprenante en manoeuvre, et l’excellente visibilité la rend très agréable à conduire dans la circulation. Le 0 à 96 km/h est abattu en 11.2 secondes, et elle passe de 50 à 80 miles à l’heure en 10 secondes pied au plancher. 

Par rapport à l’année 1954, les chiffres de ventes se montrent positifs. La corporation passe ainsi de 5.758 Chrysler Imperial en 1954 à 11.430 Imperial en 1955. Ces chiffres semblent donc donner raison au marketing qui a fait du modèle une marque à part entière. L’année modèle 1955 se finit donc sur une note positive, et les modèles 1956 arrivent à grands pas.

1956

Le Forward Look, ou les “voitures au style élancé” comme l’indiquait la publicité canadienne, entrait dans sa deuxième année. Et il va se bonifier. Virgil Exner va rajouter des ailerons, modestes, sur tous les modèles, et aura un coup de crayon heureux sur les Imperial.

Les modèles de la marque reçoivent donc des appendices discrets, sobres, qui montent légèrement, puis tombent simplement vers le pare-chocs. Ce dernier est simplifié par rapport à l’année précédente, et latéralement, les Imperial reçoivent une grand frise chromée légèrement courbée qui donne à la voiture la sensation d’être en mouvement même si elle est à l’arrêt. Cette frise se finit en s’élargissant pour englober le feu de recul, juste au-dessus du pare-chocs.

 

 

Autre caractéristique d’Imperial, et voulue par Exner, la trappe à essence, contrairement aux voitures du groupe, est cachée sur l’arête verticale d’un des ailerons, afin d’avoir des flancs arrière sans aucune découpe de trappe.

Avec ces évolutions, la voiture semble et est beaucoup plus longue que le modèle de l’année précédente : elle mesure désormais 5,83 mètres (rien à envier à une full-size des Seventies !), et la malle arrière semble interminable. Sur le coupé, les ailes arrière sont gigantesques.

 

 

Au catalogue, la gamme va s’enrichir. La mode est résolument aux carrosseries sans montant, et pour la première fois, la berline sera également disponible avec ce style. On retrouve toujours la limousine à empattement rallongé, mais ce sera la dernière année où sa construction sera assurée par Chrysler. A partir de 1957, ce sera Ghia en Italie qui s’occupera des limousines (mais nous en parlerons au prochain chapitre).

Au chapitre technique, la toute nouvelle boîte automatique TorqueFlite à trois rapports sera disponible à partir de février 1956 (cette boîte a d’abord été introduite sur les Imperial et les Chrysler 300B, avant de devenir disponible sur tous les modèles du groupe à partir du millésime 1957). Sous le capot, on retrouve le Hemi porté à 354ci, et réglé à 280 chevaux (taux de compression de 9 pour 1). Quelques modifications sont apportées à la suspension arrière, et Chrysler laisse tomber les freins à disques pour un système plus conventionnel à tambour sur la limousine. C’est une voiture élégante, confortable, et très rapide.

Le client qui se présentait à la concession pour commander sa voiture avait donc le choix parmi 5 modèles (cela sera bien plus pour 1957), et quelques options fort coûteuses : la climatisation (encore placée à l’arrière, mais ayant déjà la réputation d’être de qualité), le chauffage instantané (par combustion de gouttelettes d’essence, pour une chauffe instantanée ou presque du circuit de chauffage/ventilation), ou encore le tourne-disque Highway Hifi.

L’intérieur est richement décoré, et certaines combinaisons de couleurs intérieures et extérieures sont tout simplement magnifiques. Des tons roses, verts ou bleus font partie des choix disponibles, ainsi que 19 couleurs extérieures.

 

Toutefois, l’année 1956 se solde par un bilan mitigé : 10.618 exemplaires sont vendus, soit une légère baisse par rapport à l’année précédente. Parmi les modèles vendus, on retrouve 226 limousines, qui pour 1956, sont identiques ou presque aux modèles 1955 (la limousine n’aura pas droit aux ailerons des 1956).

Chez nous les Imperial 1955 et 1956 sont plutôt (excessivement) rares sur nos routes, surtout les 1956. Pour voir un tel modèle, il faut se rendre à Monaco où l’on peut voir celle de la Principauté, qui accueillit Grace Kelly à son arrivée à Monaco, juste avant son mariage avec le Prince Rainier. Pour le reste, le mieux reste d’aller aux USA, et encore … Avis aux amateurs !

Vous l'avez remarqué, la production officielle de Chrysler ne montre aucune Imperial cabriolet pour les années 1955 et 1956, bien que leur style découle de limousines cabriolet 4 portes. Cependant quelques Imperial ''convertibles'' ont été produites. La première est un cabriolets 2 portes de 1955, fabriqué pour le président de l'époque, K. T. Keller par la Factory Engineering Division de Chrysler. Il s'agit d'une superbe automobiles, avec une quantité incroyable de pièces sur mesure : continental kit, décoration latérale unique, sellerie spécifique, pare-brise unique ... Un sublime joyau. Son numéro de série est d'ailleurs sans equivoque : il indique clairement qu'il sagit d'une voiture expérimentale (il débute par 9999).

 

L’année se finit donc sur note “stagnante”. 1957 en sera tout autrement, mais ça, on ne vous le racontera qu’au prochain épisode.
 

Article : par Frédéric Mardon paru dans le Mag d'AmeriSud,

Credit Photos : Imperial Club.

Frédéric Mardon


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