James Dean, de New-York à Hollywood ...

Publié le 10.06.2012

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Son prof d'art dramatique à la fac était James Whitmore et celui-ci lui avait dit que s'il voulait faire carrière, il devrait aller à New York et jouer au théâtre. Aussi, en septembre 1951, James Dean décide donc de jouer sa carrière naissante sur un voyage à New York. Il est prêt à tout risquer pour voir son nom en haut de l'affiche.

Au début des années 50, l'Amérique de la classe moyenne profite de la prospérité économique et s'offre des cuisines aménagées et des Chevrolet. Mais quand James Dean arrive à New York, sans un dollar en poche, c'est toute une contre-culture underground qui s'offre à lui. Pour ce garçon de la campagne avide de sophistication, Manhattan est l'endroit rêvé.

En outre, au début des années 50, la télévision est en plein boom. Un nouveau type de personnage est apparu : le délinquant juvénile et grâce à son allure juvénile, Jimmy se voit confier des rôles d'adolescents rebelles par les producteurs de la télévision. Il a ainsi l'occasion d'interpréter un jeune voyou qui rêve d'une vie meilleure dans Something for an empty briefcase 1953 de la série Campbell Television Soundstage.

Jimmy arpente les rues de New York jusqu'à l'aube, errant de clubs de jazz en cafés. Son charme de petit garçon incorrigible fait beaucoup d'effets sur les femmes. Un soir, il rencontre la danseuse Liz Sheridan dans un club. Jimmy et Liz deviennent rapidement inséparables et décident de s'installer ensemble malgré leurs moyens restreints.

Le charisme de Jimmy séduit aussi bien les hommes que les femmes et il apprend à user de ce pouvoir. Quand il découvre que Rogers Brackett est en ville, il se sépare de Liz et retourne auprès du réalisateur de CBS. Jimmy refusait de se donner à quelqu'un juste pour pouvoir devenir acteur, cependant il devient bisexuel, entamant une relation avec Brackett.

Par l'intermédiaire de Brackett, Jimmy obtient de petits rôles dans des dramatiques télévisés. Dans un épisode de Studio One intitulé Abraham Lincoln, il joue un soldat de la guerre de Sécession gracié par Abraham Lincoln. Mais il est insatisfait car il voudrait des rôles plus conséquents.

 

L'automne approche et Jimmy sait ce qu'il lui reste à faire car c'est bientôt le moment des auditions annuelles de l'Actor's Studio. Y être accepté était un honneur et signifiait qu'on était un artiste, qu'on faisait parti de l'élite. En novembre 1952, à 21 ans, James Dean s'impose face à 150 autres candidats et devient le plus jeune acteur à intégrer cette école prestigieuse. Mais avant de pouvoir s'en réjouir, on lui propose un rôle qui semble être fait sur mesure pour lui.

Un ami de Brackett, un producteur de Broadway, est séduit par son physique et lui offre un rôle de taille dans une nouvelle pièce, See the jaguar. Dans See the jaguar, Jimmy joue un attardé mental que sa mère tient à l'écart du monde. Il est comme un animal. Dean se sent particulièrement proche de cet adolescent prisonnier dans une cage. La première de See the jaguar a lieu le 3 décembre 1952 au Court Theatre. Les critiques ne sont pas enthousiastes mais c'est un tournant dans la jeune carrière de Jimmy. A cause de critiques, la pièce s'arrête après cinq jours mais Jimmy a été remarqué.

Plein d'assurance et d'espoir, il quitte l'Actor's Studio. Il a appris ce qu'il voulait : la technique d'immersion totale dans ses personnages. Maintenant, il doit trouver son propre style. L'industrie balbutiante de la télévision semble le meilleur endroit pour commencer. Il joue notamment dans The Harvest de la série Robert Montgomery presents et dans The bells of cockaigne de la série Armstrong's circle theater . A la télévision, ses personnages se rebellent contre le système. Ils se battent pour faire changer les choses et Jimmy incarne parfaitement cette révolte.

Mais si les offres affluent, Jimmy se forge une réputation désastreuse. Il a pour habitude de marmonner pendant les répétitions afin d'économiser son énergie et sa spontanéité pour le tournage. Cette approche originale exaspère les vedettes confirmées et les réalisateurs. Lors du direct, il énerve l'équipe en faisant des choses qui n'étaient pas dans le scénario mais qu'il plaise néanmoins au public. Dean gagne maintenant entre 200 et 300 dollars par téléfilm mais il jette l'argent par les fenêtres. Il change d'appartement très souvent, n'emportant que ses biens les plus précieux : ses disques de jazz, ses percussions et une vieille cape de toréador. Il est insouciant de savoir comme il va s'en sortir alors qu'il n'a pas d'argent et passe son temps à emprunter de l'argent à droite et à gauche.

En décembre 1953, Dean est choisi pour jouer dans une pièce provocante d'André Gide qui raconte l'histoire d'un mariage brisé par une liaison homosexuelle The Immoralist ( L'immoraliste ). Une fois encore, Jimmy entre en conflit avec son metteur en scène et ses partenaires. Il arrive en retard aux répétitions, modifie son jeu à chaque scène et aime se moquer de la vedette de la pièce, Louis Jourdan. Il ne l'apprécie nullement. The Immoralist sort à Broadway en février 1954. Les critiques remarquent James Dean et lui décerne le prix du jeune acteur de théâtre le plus prometteur de l'année. Mais il va bientôt recevoir une récompense bien plus importante.


   

Le réalisateur Elia Kazan a vu la pièce et il a adoré la performance de Jimmy. Il a exactement l'attitude et la personnalité qu'il recherche pour son prochain film. En mars 1954, James Dean, rongé par le trac, embarque dans un avion avec deux sacs en papier qui contiennent tout ce qu'il possède : il part pour Hollywood.

En avril 1954, James Dean signe un contrat de 10 000 dollars avec la Warner Bros pour interpréter le rôle principal du nouveau film d'Elia Kazan : East of Eden ( A l'est d'Eden ). Il doit jouer un adolescent, Cal Trask, mais Kazan cherche l'acteur qui interprétera son frère aîné Aron. Paul Newman tourne un bout d'essai avec Jimmy et le courant passe entre les deux jeunes acteurs. Mais ce n'est pas ce type de relation que le réalisateur recherche pour ses deux personnages. Le casting se poursuit et Jimmy commence à faire les 400 coups en ville. Avec son premier cachet, il s'achète une moto mais quand il déboule dans les studios de la Warner avec son engin, Kazan intervient. Il lui interdit de faire de la moto : il roulait très vite et prenait des risques, comme toujours.

Jimmy défie les pontes du studio en s'achetant une voiture de sport et en roulant à tombeau ouvert dans les virages de Mullholland Drive, à Hollywood. Incapable de dormir à l'approche du tournage, il roule souvent toute la nuit dans les rues de Los Angeles jusqu'au lever du soleil. En mai 1954, Kazan choisit Richard Davalos pour jouer Aron et le tournage de East of Eden commence. Jimmy se plonge totalement dans le rôle de ce fils cherchant en permanence à gagner l'amour de son père, interprété par Raymond Massey. Jimmy est très proche de son personnage de Cal, ayant eu de nombreux problèmes avec son propre père. Kazan a imaginé le film comme une sorte de documentaire sur son état psychologique. 

Dans l'une des scènes les plus marquantes, Cal donne l'argent qu'il a gagné à son père et celui-ci refuse ce cadeau. Cal devait seulement partir mais Dean apporte sa touche et se met à pleurer et à serrer Raymond Massey avant de partir ; ceci montre bien à quel point la créativité de Dean ne fait que commencer. Pendant le tournage, Jimmy fait la connaissance de l'actrice Pier Angeli. Le jeune homme de 24 ans est immédiatement séduit par la sophistication et l'élégance de la star italienne. La mère de Pier déteste Jimmy. C'est alors un amour interdit qu'il s'instaure et Jimmy trouve cela irrésistible.

Profondément amoureux, Jimmy a enfin trouvé l'âme soeur. En quelques semaines, les gazettes d'Hollywood se font l'écho de cette liaison. En septembre, il supplie la jeune fille de l'épouser en secret mais elle refuse, craignant la réaction de sa mère. Jimmy est effondré quand Pier lui annonce qu'elle ne peut plus jamais le revoir. Sa famille préfère qu'elle épouse un catholique, le chanteur Vic Damone.

Trois mois plus tard, Jimmy se glisse incognito au premier rang pendant la première de East of Eden. Dans la salle, les critiques sont emballées par le film mais ce sont surtout les centaines d'adolescents qui réagissent, le trouvant formidable. East of Eden sort en salles en avril 1955. En quelques jours, il est propulsé en premier place du box-office. Soudain, la presse se rue sur la nouvelle idole des adolescents américains : les femmes et les photographes sont aux trousses de Jimmy, il ne peut plus sortir. En d'autres termes, la vie de l'acteur a basculé et contrairement à ce qu'il dit, ça lui plait beaucoup.

Jimmy est enfin là où il rêvait d'être, au sommet. Mais la gloire n'est sans doute pas ce qui pouvait lui arriver de mieux... Il se comporte mal, boit, fait régulièrement des esclandres. Il a un comportement autodestructeur : une sorte de désespoir le pousse à se bagarrer avec des gens, à conduire vite, à froisser la tôle... Il est surnommé le "Little Bastard" et une fois encore, Jimmy s'aliène ses plus proches amis, les repoussant alors qu'il a désespérément besoin d'eux.

Tandis que Jimmy s'attire les foudres d'Hollywood, toute la jeunesse tombe sous son charme. La Warner Bros est inondée de dizaines de milliers de lettres de fans, toutes adressées à James Dean. Des millions d'adolescents s'identifient aux angoisses exprimées à l'écran par cette nouvelle star. Soudain les héros virils d'autrefois sont démodés, ils sont remplacés par de jeunes anti-héros. James Dean a donné aux adolescents incompris d'Amérique le droit de se révolter.

Au printemps 1955, des milliers d'admiratrices hurlent dès qu' Elvis Presley entre en scène. Le pays est pris par la fièvre de l'adolescence. Un jeune réalisateur Nicholas Ray veut surfer sur cette vague avec son nouveau film Rebel without a cause ( La fureur de vivre ). James Dean y tient la vedette aux côtés de Nathalie Wood, Sal Mineo et Carey Allen. C'est l'histoire d'un jeune garçon solitaire qui a dû» mal à s'intégrer dans son nouveau lycée. Rebel without a cause est un film sur les jeunes, fait par des jeunes, y compris Nicholas Ray, et pour les jeunes. Les adolescents américains se voient comme un groupe en rébellion contre la société bourgeoise des adultes.

Le réalisateur Nicholas Ray laisse la bride sur le cou de Jimmy qui peut improviser en toute liberté sous l'oeil attentif de la caméra. Rebel without a cause est une sorte de manifeste lancé à la face des grands studios et de leurs stars vieillissantes qui feraient mieux de laisser leur place à la révolution des jeunes en colère.

Crédit Photos @ LIFE Magazine & Archives.

Denis Eveillard


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